Né en1959 à Zurich, Suisse.

Vit et travaille à Zurich et dans le canton du Jura en Suisse. 

Le travail sur la couleur d'Adrian Schiess fait appel à deux principes qui en constituent moins la théorie que le mode opératoire ou méthodologique :
1. On peut se représenter, selon les indications de l'artiste, un globe dont la surface serait totalement recouverte par les différentes couleurs et par l'infinité des dégradés menant des unes aux autres, sans aucun principe hiérarchique.Autant de cheminements conduisent de chaque couleur à toutes les autres, avec des variations d'intensité graduelles combinées aux changements de tons.
2. Dans cette infinité de dégradés possibles, l'artiste choisit de concrétiser des « morceaux », qui peuvent donc être une seule couleur ou une série de couleurs en évolution continue ou discontinue : en effet, chaque ton est individualisé sur la surface d'une plaque et vaut pour lui-même, pouvant exister seul ou en relation avec tout autre.
On déduira de ces deux principes l'indifférence complète de l'artiste à l'égard de la qualité matérielle des supports des couleurs. Si celles-ci ont pu être pendant longtemps rigides, rectangulaires et lisses, elles se sont révélées, à partir de 1996, souples pour certaines, bosselées et inégales dans leur découpe et leur format pour d'autres. Ce dernier cas est particulièrement marqué dans la série de six plaques réalisées durant le mois de juin 1996 à Zurich et acquises peu après par le Frac Bourgogne. L'une des plaques est constituée d'une simple planche de bois (on en perçoit la qualité d'aggloméré pauvre, probablement déjà utilisé, à ses tranches salies), les cinq autres ont été réalisées sur du métal contrecollé sur polystyrène, leurs formes étant irrégulières. La peinture est de la laque pour automobile appliquée par des professionnels d'après les indications de l'artiste. Pour confirmer cette dissociation entre la couleur et le support, les plaques d'Adrian Schiess sont peintes des deux côtés, avec deux teintes différentes. Ainsi, l'une des faces des plaques présente un dégradé de tons noirs tandis que l'autre réalise une série de tons beiges.Cette œuvre essentiellement ouverte n'obéit donc à aucune règle constante. D'ailleurs pour ce qui regarde la question des supports, il faut indiquer que l'artiste applique également la couleur sur des cartons aux formats dissemblables et irréguliers ou sur des papiers de chine qui sont ensuite collés définitivement sur les murs.
Enfin le papier photographique et la vidéo sont parmi les outils d'une recherche exclusivement orientée par (et vers) les couleurs.En ce qui concerne le mode de présentation des plaques, celles-ci sont généralement posées sur des tasseaux de bois (de section six centimètres le plus souvent), ce qui ne doit pas induire une lecture sculpturale du travail. En effet, ce dispositif est conforme au premier principe énoncé, à savoir la représentation à la surface d'un globe de l'infinité des couleurs : les plaques posées induisent donc une analogie entre ce globe virtuel et le monde réel, le globe terrestre. L'œuvre instruit alors sa relation avec le monde, elle y prend place, c'est-à-dire aussi qu'elle y délimite son lieu. En cela l'œuvre d'Adrian Schiess n'est pas étrangère à une réflexion sur l'espace, à la détermination de celui-ci comme une « prise de lieu » ou comme un « avoir lieu » (un événement). Mais là encore, la règle tient compte des conditions réelles, et les plaques peuvent aussi prendre appui contre un mur, à l'appréciation libre du responsable de l'exposition qui décide du nombre de plaques nécessaires à la présence suffisante de l'œuvre.
Emmanuel Latreille
FRAC Bourgogne