Bordercross: John M.ARMLEDER / Cécile BART / François MORELLET / Olivier MOSSET / Christian ROBERT-TISSOT Commissariat : Christian BESSON

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John M.ARMLEDER / Cécile BART / François MORELLET / Olivier MOSSET / Christian ROBERT-TISSOT Commissariat : Christian BESSON

Un locuteur français entend parfois résonner l’anglais de façon quelque peu étrange. À partir d’un mot, il peut en recomposer d’autres, le faire résonner, imaginer des assemblages que la langue elle-même n’utilise pas. Saisissant de l’extérieur quelque principe de construction sémantique, il l’applique à la lettre, systématiquement, implacablement, insoucieux des usages attestés. Ça donne ce que ça donne, en tout cas rien de purement British, plutôt un jeu sur le sens traversant les frontières et se moquant des règles du bon usage. Du reste l’anglais lui-même joue de certaines inversions et ce n’est pas sans clin d’œil au frontalier cross-border, que les inventeurs d’un sport désormais olympique ont forgé le fameux boardercross. L’un ou l’autre ne ferait pas mal pour un titre d’exposition : le premier supposerait que l’artiste international dépasse toujours les frontières (dont celle de l’art, bien entendu !), le second donnerait à une exposition de groupe le piment de la compétition branchée. On pourrait même mélanger malicieusement les deux en écrivant bordercross.

Il en va pareillement de l’expression borderline.Typiquement anglais ! Intraduisible mot à mot chez Molière, mais combien ductile et malléable à merci !
Tout d’abord, le mot fait son effet dans l’art contemporain, où l’on aime à explorer et franchir les limites – des genres, de la bienséance et de je ne sais quoi encore. Mais pour- quoi diantre l’anglais dit-il
borderline et non pas bordercolour ? La question est incongrue, j’en conviens, laissons-la cependant filer. En introduisant dans le champ sémantique l’opposition entre la ligne et la couleur, j’ajoute à borderline une idée de « ligne » qui a quasiment disparu dans celle de « situation limite ». Borderline, déstabilisé, devient ambigu, un mélange détonnant de posture transgressive et d’académie de la ligne. Quant à bordercolour, je dispose désormais d’un monstre linguistique qui peut me servir à monter une exposition paradoxale, une exposition qui miserait tout à la fois sur la con- vention moderniste du « hors limites » et sur la rémanence du problème tout classique de l’opposition entre les tenants de la lignes et ceux de la couleur. Poussin et Rubens au pays des avant-gardes, téléportés dans nos temps postmodernes, et se demandant tout uniment en quoi la ligne et la couleur peuvent-elles bien y « déborder » ?

J’imagine ainsi quelques artistes grisés par la vitesse qui, partis en ligne au coude à coude pour surfer sur les pentes d’une exposition estivale, y prennent au vent quelques couleurs. L’important, lorsque l’on organise une exposition, est d’en avoir un concept clair !

 

Qu’en est-il donc aujourd’hui de la couleur et de la ligne quand elles s’échappent de leurs déterminations usuelles, quand elles excèdent le ruban adhésif ou le motif, quand elle vibrent dans des configurations inusitées, en dehors de toute prétention ontologique, bref, quand elles jouent librement pour notre plus grand plaisir ?

John M.Armleder, amoureux raffiné de la paillette surprise et praticien imper- turbable de la serendipity, en use avec brio et désinvolture.

 

Cécile Bart conjugue à son propos traversée lumineuse et disposition latéral- isante sollicitant les mouvements du spectateur.

François Morellet en joue comme d’un élément aléatoire qui vient « baroquiser » clarté du système et rectitudes combinatoires.

Olivier Mosset la remet en jeu implacablement en jouant de la rencontre improbable du monochrome et du pop’art.

Christian Robert-Tissot lui donne le support de la lettre ou du graphisme pub- licitaire vidés de toute intention apologétique ou marchande.

Christian Besson

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