L’œuvre, si jeune encore, de Xavier Theunis est impressionnante au premier abord par l’intention de maîtrise formelle qui sous-tend chacune de ses réalisations. Dans un contexte contemporain où l’art s’illustre souvent par une sorte de laisser-aller donnant à des ébauches approximatives le statut d’œuvres à part entière sous les prétextes divers de la  spontanéité, de la parodie critique ou de la force, Theunis révèle avec un panache non dénué de provocation le défi d’un certain formalisme attaché au travail bien fait.Ce formalisme apparent qui nimbe l’œuvre entière d’un peu de froideur aristocratique est sans doute la réinterprétation par l’artiste de la formation qu’il a reçue à La Villa Arson, puis comme assistant d’artistes maîtres de la rigueur (John Armleder, Pascal Pinaud, ….). 

Pourtant la qualité de la facture, si elle est indicative d’une éthique assez intransigeante de la forme accomplie, ne doit pas masquer la richesse du travail et la complexité de ses arrière-plans. De ce point de vue il faut pointer en premier lieu le climat de réflexivité émanant de l’œuvre, qu’il s’agisse d’allusions à l’histoire de l’art mettant en perspective la rigueur de l’Art Minimal, la problématique du détournement des objets dans la sculpture d’inspiration mobilière des années 80, l’intelligence spatiale du « In Situ » des années 90 ou certains accents Néo Pop des années 2000, toutes ces facettes affleurent quelquefois simultanément, non pas sous l’espèce de citations historiques, mais sous celles plus subtiles de réminiscences, d’allusions, de collages, de reprises, de réinterprétations qui forment le fond mémorial du travail et fondent la qualité de sa relation à l’histoire. 

Pourtant ces éléments de sérieux dans l’ordre formel et intellectuel du travail ne sont opératoires du côté de l’œuvre que parce qu’ils sont travaillés par un humour particulier, source de décalages et de sauts qualitatifs programmant  l’invention poétique et les déplacements polymorphes caractéristiques des réalisations proposées par l’artiste. Cet humour peut fonctionner sur le principe d’une légère froideur insolite quand il propose la réaffectation esthétique d’objets fonctionnels déréalisés par leur présentation (évocation d’une cheminée en lévitation, empilement sculptural d’objets en verre, images de catalogues transformées en natures mortes fantomatiques, figurations d’agencement, mobiliers stylisés par la représentation informatique….). 

Il peut ouvrir aussi une forme de recyclage, un « art d’accommoder les restes » avec les collages de chutes d’atelier donnant une suite somptueuse de dessins néo-constructivistes. Il peut encore évoquer une poésie du sublime à connotations romantiques, images d’immensités nocturnes faiblement étoilées, à partir de l’inversion d’une photographie numérique sans sujet où apparaissent simplement quelques grains de poussière, ou, dans le même ordre d’idée mais à rebours, partant d’une photographie de maison dans un paysage, mettre en évidence l’étrangeté sculpturale de ce volume blanc révélé par la lumière d’un rayon de soleil sous un ciel crépusculaire. (...)

Jean-Marc REOL Novembre 2007