Né à Nice en 1972.

Vit et travaille entre Nice et Paris. 

Avec son propre langage, éclos là où on ne l’attendait pas, le geste artistique d’Alexandre Dufaye intègre l’histoire du photographique. Il a une prédilection pour des sujets joignant l’existence de l’être au souvenir de son histoire. Pour s’affranchir d’une trajectoire de l’intime il use de différents procédés. Tous sont liés à la double question de l’apparition et de la désapparition jouant de latence comme de la révélation. La photographie reste pour lui un geste contemporain, un champ de l’action. L’action qui engage la création tant qu’elle opère une rupture avec le quotidien. Lui qui dit travailler à l’instinct, parce que cela lui est facile, évacue la contrainte de la préparation, du trop de cadre, du trop de réfexion. Ne nous y trompons pas. Il a le visage double de l’intuitif. Sa décision d’être photographe fut suivie d’un apprentissage personnel appliqué, à l’image de ses années de piano au conservatoire. C’est ainsi : il a du plaisir dans l’expérience, aime la maîtrise et la dextérité, car elles conduisent au moment précis de l’abandon. Il conduit ses images à l’instar de l’improvisation musicale telle une performance. L’important, dit-il, dans ce moment de photographie, est d’être ; d’être bien ; d’avoir une disponibilité complète. Metteur en scène de ses compositions, il laisse place au dispositif et au jeu : des insertions – apports – adjonctions. Des éléments inattendus surviennent ainsi par accointance ou synchronicité dans l’espace et le temps de l’image. C’est dans cette situation qu’il dit savoir « ce qui va se passer dans la photographie avant même de le comprendre ». Il fait appel au potentiel, au possible, au hasard de l’agencement. Il se pourrait que ce soit une sorte de conjuration. La conjuration de ce qui arrive par accident, comme pour réparer ce qui est. Mais il se pourrait également que ce soit l’expression d’une puissance, d’un pouvoir qui passe au préalable par la maîtrise de tout. Une maîtrise pour un lâcher-prise. Une spiritualité sous-jacente. Stratège lucide, il désencombre ses images de la réalité. Elle n’est là que comme abstraction opérante, comme un glissement, dans la photographie. La réalité pour ce qu’elle est ne l’intéresse pas. Ce qui lui tient à cœur est de raconter des histoires, d’élaborer des fictions. Il ne s’agit pas de scruter mais de révéler. Le refus des choses telles qu’il les voit lui permet d’enclencher l’imaginaire. Il laisse la place aux « corps » (entendons par là, autant l’incarnation humaine que le paysage ou les intérieurs). Libérés de la perception que l’on en a, ces corps ne renvoient que leur propre image. Il en va ainsi de l’usage du flou comme de la clarté dans ses photographies. C’est-à-dire, l’incitation à une évanescence qui est pourtant un retour à la « chair » ; une élévation de la profondeur plutôt que le gouffre. Le noir et blanc ou la couleur, stricts et rigoureux, aux accents démiurgiques et prémonitoires, créent pour Alexandre Dufaye, le souvenir. Les éléments photographiés perdent de leur fonction et gagnent en abstraction. L’intimité le dérange, il lui préfère la pudeur. Celle qui confère à l’émotion et que l’on retrouve dans l’entièreté de ses séries. Il s’agit bien d’abstraction, celle qui sublime une future absence. Qui deviendra plus tard l’absence elle-même. C’est à ce point de jonction, dit-il, que le glissement du réel amène une émotion dans quelque chose qui n’en connait pas, et lui permet de vibrer. Alexandre Dufaye nous propose un travail dont la maturité induit l’avènement d’un « monde » de l’équilibre. La capricieuse illusion du réel ne se limite pas à une seule forme. Il en dépasse les contradictions apparentes. Ses expérimentations, son investigation du vivant, le portent à une exposition qui relève du primitif et qui fait l’invention de son projet photographique. 
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Nathalie Amae, Curator, Savage Collective