Marine WALLON - Quotidien de l'art

Par Rafael Pic - Édition N°2354 / 23 mars 2022 à 21h52

Sous la présidence de la collectionneuse turinoise Patrizia Sandretto Re Rebaudengo, le jury (les associés du cabinet d'avocats Bredin-Prat et des personnalités qualifiées du monde de l'art) a visiblement eu beaucoup de mal à départager les candidats lors du vote ce mardi soir au siège de la société au 53, quai d'Orsay. Pour la première fois dans l'histoire du prix, lancé en 2012 en hommage au cofondateur du cabinet, Jean-François Prat, ce sont en effet deux artistes qui ont été récompensés. Comme c'est la coutume, chacun avait bénéficié de la plaidoirie d'un rapporteur. Pour Florian Krewer (né en 1986), c'est Mouna Mekouar qui a mis en avant le parcours atypique de cet artiste, ancien apprenti avant d'intégrer la plus grande école d'art d'Allemagne, celle de Düsseldorf, où il a eu Peter Doig pour professeur. Désormais bien établi (il est représenté par la galerie Michael Werner et est entré dans les collections du Centre Pompidou), il reste marqué par une foncière ambivalence dans ses peintures figuratives, scènes de bagarre, de sexe, de solitude, où l'on peut déceler des analogies avec Bacon, Baselitz, voire Rembrandt. « Sa peinture est une nécessité vitale, un véritable corps-à-corps, un théâtre de la cruauté. Il ne donne pas à voir un sujet, mais sa propre expérience à la périphérie des villes. On ne sait jamais s'il s'agit de batailles ou de danses », a soutenu son avocate. Pour Marine Wallon (née en 1985), Guy Boyer, directeur de la rédaction de Connaissance des Arts, a évoqué un rapport très personnel, marqué par une découverte au Salon de Montrouge, un sentiment premier de peinture « géologique » avant d'y voir d'étonnantes propriétés, un « glissement de la figuration vers l'abstraction, l'imaginaire ». Son œuvre, à la matière épaisse et rare – elle ne produit que très peu et ne montre pas ses dessins –, fait de cette diplômée des Beaux-Arts de Paris (défendue par la galerie Catherine Issert) la représentante d'un genre autrefois glorieux, mais tombé en désuétude : la peinture de paysage. Le troisième artiste sélectionné, Pierre Seinturier (né en 1988, représenté par la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois), dessinateur compulsif, qui recrée dans ses peintures des univers évoquant le cinéma américain ou des architectures modernistes, a été défendu par Gaël Charbau, qui a notamment souligné sa « véracité picturale » et son « effet de réalisme omniprésent ». Les œuvres sont visibles au cabinet, mais le Fonds de dotation Bredin-Prat s'est engagé dans une démarche plus large, dont la première manifestation est l'exposition rétrospective qui ouvre ce jeudi aux Beaux-Arts de Paris, sous le commissariat et la scénographie de Cristiano Raimondi : sous le titre « We paint! », elle réunit les 33 artistes présentés depuis les débuts du prix, parmi lesquels figurent Farah Atassi, Jean Claracq, Miryam Haddad, Maude Maris ou Nicolas Roggy.

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